Rapport sur de l'état des lieux de la démocratie au CONGO-B

 







L’initiative de faire un état des lieux de la démocratie au Congo répond à la nécessité de se doter d’un compendium sur le processus dont le peuple voudrait  « démocratique », dans le sens de la gouvernance axée sur le pouvoir du plus grand nombre. Une démocratie qui privilégie l’intérêt général devant un particularisme institutionnalisé. Une démocratie qui se vit à travers la promotion des droits de l’homme et de l’Etat de droit… Elle permet en outre de situer des actions qui visent à défendre les droits humains tout en évaluant l’Etat de droit. Ceci en vue de cerner les contours de nos actions en qualité de défenseur des droits humains, mais surtout de ressortir les blocages intrinsèques au processus de démocratisation. Cet exposé circonscrit l’environnement dans lequel, le défenseur des droits humains œuvrera avec en ligne de mire l’Etat de droit et la démocratie... Elle a l’ambition de décrire les forces et les faiblesses du processus de démocratisation. Pour cause, l’état des lieux de la démocratie du Congo se veut être descriptif et dans une moindre mesure  analytique. Il passe au crible tant les attributs du processus que les pratiques subversives en violation des droits humains qui y découlent… Les faits étant parfois complexes, les analyses s’imposent pour lever les équivoques en avançant des hypothèses qui sont conformes aux normes, le tout dans la perspective d’exploiter les faits de façon exhaustive pour une appréhension optimale. Les points de vue sont empiriques et parfois spéculatifs car cet état des lieux constitue le point de départ d’un dialogue permanent avec les acteurs politiques et de la société civile  à quelques niveaux que ce soient pour établir  de façon périodique un rapport sur la démocratie quoi de mieux qu’une évaluation permanente d’un processus tant souhaité .   Aussi, ce document a-t-il été élaboré dans le but de donner une base d’actions dans le sens de la promotion de la démocratie, laquelle constitue le lien inhérent entre les droits humains et l’Etat de droit. Ce travail exprime par ailleurs le désir assumé de défendre les droits humains à l’aune des faits.  Elle met d’abord en exergue les violations des principes démocratiques énoncés par la Constitution du 6 novembre 2015 avant de décrire des écarts éprouvés dans les pratiques qui se résument d’une part, à la corrélation entre les actions menées respectivement par les différents pouvoirs à savoir l’exécutif, le législatif et le judiciaire, la rectitude de leurs actions respectives et de l’influence réciproque qui s’en suit d’autre part. Ceci se vérifie à travers la vie des partis politiques, l’influence positive ou négative de la société civile, de l’indépendance des médias et enfin du respect des droits humains. Dans un autre temps, une étude comparative est menée, conduite selon qu’il convient … En effet, il importait d’identifier toutes les entraves et les acquis du processus démocratique. Les rapports contigus entre les différents acteurs à savoir les partis politiques, la société civile et les médias ont également été abordés. De prime à bord, nous avons situé la responsabilité des acteurs politiques depuis l’animation de leurs partis respectifs jusqu’à leur attitude au sein des institutions et de leur effusion. L’alternance démocratique qui a tourné court du fait de la guerre civile de 1997 constitue le point névralgique de notre exposé. L’avènement de l’ère démocratique qui débute avec la conférence nationale souveraine, laquelle s’est assortie d’élections crédibles en 1992, avec une suite plutôt catastrophique et périlleuse pour un processus amorcé  dans des conditions plutôt idéales mais qui se sont dégradées du fait d’une expérience malencontreuse. La  période émaillée de guerres et autres formes de violences qui ont remis en cause le processus démocratique amorcé dans la foulée. En effet, les alliances contre nature qui ont été créées en vue de la conquête du pouvoir pour certains et la conservation pour d’autres, n’ont pas résisté à l’épreuve du temps et encore moins aux mauvaises pratiques héritées d’une longue expérience du monopartisme d’un régime autoritaire de type marxisme-léninisme. Les alliances se sont dénouées très vite, et ont favorisé la montée des milices et autres facteurs antidémocratiques. Les guerres civiles qui ont germé, ont ainsi anéanti l’élan démocratique suscité par la conférence nationale souveraine de 1991. Les désastres économiques et sociaux causés par les Politiques d’Ajustement Structurel (PAS) avaient éveillé les consciences tout en relativisant la légitimité du pouvoir en place. Cinq ans après la conférence, « La loi du plus fort » entretenue par les vainqueurs de la guerre civile, reconvertis depuis en partisans de la démocratie a étouffé les aspirations du peuple à celle-ci. Le peuple détenteur légitime du pouvoir dans la perspective d’un régime démocratique perd espoir devant la confiscation du pouvoir par une élite apprentie démocrate. La paix apparente n’a pas pu rétablir les pratiques démocratiques tant les vainqueurs résorbent toutes les aspirations démocratique. On ne peut plus s’en douter tant les configurations sociopolitiques prouvent à suffisance que la classe politique qui  s’est constituée ces dix dernières années au mépris non seulement des valeurs républicaines mais également du respect et de la dignité humaine.  Plus de deux décennies après la guerre civile qui avait pris en otage le processus démocratique amorcé en 1992, aucun signe précurseur d’une démocratisation n’est observé excepté les élections qui sont organisée. S’il faut admettre une régularité relative dans le fonctionnement des institutions avec des consultations tenues à terme échu, la vie des partis sème le trouble quant à la viabilité revendiquée par le pouvoir en place. Il est difficile de s’étendre sans avoir des aprioris alors que les entrepreneurs politiques baignent dans des situations quasi-chaotiques avec des partis qui s’illustrent tantôt dans la léthargie (absence de visibilité), tantôt dans la désorganisation (irrégularité de la tenue des réunions des instances), soient capables d’animer les institutions dans un sens qui est aux antipodes des pratiques qui sont les leurs. Les partis n’ont pas l’exclusivité de l’incohérence. La société civile et les médias les talonnent de façon presque systématique ; la société civile peine à prendre son envol. Elle reste sous l’influence des vestiges du monopartisme et de l’aide intéressée des entrepreneurs politiques en mal de cohésion et d’efficacité dans leurs partis respectifs. Ils s’adonnent à cœur joie à l’asservissement des autres leviers de la démocratie. Ils s’engluent dans la confusion d’autrefois, laquelle donnait une place de choix au parti unique qui gérait l’Etat et toutes les forces vives qui gravitaient autour. Ainsi, les organisations telles que les syndicats des travailleurs et de patrons, et les organisations non gouvernementales sont à l’état embryonnaire et peinent à prendre la place qui leur revient dans le jeu de la démocratie. Les confessions religieuses font exception à la règle. Les récentes déclarations du clergé ont jeté le pavé dans la mare, avec l’espérance de rétablir une société civile restée longtemps dans le giron des partis politiques.  Dans le contexte d’une libéralisation économique relative, l’Etat est à la solde du parti au pouvoir (PCT), lequel constituerait la principale source de financement aussi bien des formations de la majorité présidentielle que de l’opposition. Alors que le financement des partis politiques est légiféré, la société civile et les médias sont abandonnés à leur triste sort, colmatant les brèches d’une libéralisation de façade, régulée de façon subjective par une autocratie relent d’une dictature militaire hostile aux aspirations démocratiques d’un peuple en mal de maturité. Les formations politiques tous bords confondus sont telles des locomotives, elles influent sur les actions des autres acteurs du processus démocratique. La situation des médias est d’autant plus complexe car son modèle économique et la professionnalisation demeurent à ce jour des défis à relever ; les médias sont paupérisés, quand ils ne sont pas pris sous l’aile des entrepreneurs politiques. La citoyenneté est en veilleuse. Les intérêts personnels ou catégoriels sont encouragés par la Constitution. A titre indicatif le Conseil consultatif des sages et des notabilités, lequel entretient l’ethnocentrisme. Quand on sait que la démocratie représentative a montré ses limites notamment en matière de la culture citoyenne, car elle réduit la pratique de la démocratie à l’élite qui se forme sur les cendres d’un laisser-aller sous fond de récompense et de la corruption comme expression par excellence de la rétribution. La démocratie participative devient non pas une alternative, mais un nouveau-souffle pour réactiver le processus démocratique dans son ensemble. Il faut que l’engagement des citoyens soit manifeste. Le jeu de la démocratie représentative se résume à l’action de la majorité présidentielle et d’une opposition illégitime. Ainsi nous nous sommes intéressés non seulement à l’intégrité de ses deux composantes mais également à la légitimité des élus qui devraient justifier de tout temps leur disponibilité afin de rendre-compte aux mandants de façon régulière et non pas planifiée. Les pratiques condamnables comme l’achat de conscience et la corruption prennent racine. Devant ce spectacle désolant que les entrepreneurs politiques offrent à la fois à l’opinion nationale qu’internationale, quelle est la place occupée tour à tour par la société civile et les médias ? Cependant, il faut aller selon le postulat que l’élite n’est que le reflet de la société. Ainsi, il importe de s’assurer qu’au sein des différentes composantes de la société congolaise, que les pratiques sociales voir professionnelles sont de nature à entretenir un esprit démocratique, lequel encouragerait la citoyenneté à la base. Les partis auraient-ils failli dans leurs missions d’encadrement et de formation de l’élite politique ? La société civile supplée-t-elle de façon efficace à la culture citoyenne ? La conquête du pouvoir qui est l’objectif principal des partis politiques a pris le dessus sur toutes les considérations faisant place à une démocratie de façade. La promotion de la démocratie a été reléguée au second plan et les élections ont été instrumentalisées, ainsi chaque composante de la société l’a-t-il viciée ? Les partis l’ont réduite juste à un tremplin, ils n’ont cure de ces effets sur le processus démocratique. La société civile résume la démocratie à l’élection pire au scrutin, car les élections sont ni plus, ni moins qu’une espèce de vache à lait pour une société civile marchande qui ignore parfois sa vocation première, celle d’inciter les entrepreneurs politiques et l’Etat à œuvrer dans le sens de la promotion des droits de l’homme et de l’Etat de droit et naturellement de la démocratie. Tournant ainsi le dos au peuple qui voit désormais la démocratie comme une vue de l’esprit et une mascarade politique de plus. La société civile se braque essentiellement sur les conséquences et non pas sur les causes. Notre action ne saurait être partisane, raison pour laquelle, un état des lieux s’impose...  L’inadéquation entre les principes démocratiques et les pratiques constituera le second volet de cette réflexion. D’entrée de jeu, nous procédons à la définition de la démocratie et des concepts sous-jacents. Une approche minimaliste limite la démocratie au choix des gouvernements. Ainsi, si nous exploitons la définition d’Abraham Lincoln, « la démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Cette approche est réductrice, elle dépouille la démocratie des valeurs telles que la liberté, l’égalité… L’approche substantialiste étend le périmètre de la démocratie bien au-delà des élections. Elle confère aux citoyens un droit de regard sur les politiques publiques. Le contexte congolais nous oblige à nous appesantir sur l’approche minimaliste soutenue par les auteurs élitistes tels que Robert Dahl, Joseph Schumpeter et Anthony Downs.  

Le contexte

Si la démocratie est appréhendée à l’aune du multipartisme, le Congo s’y serait engagé  dans les années 60. Cette expérience est malheureusement brève et isolée qu’il serait hasardeux de l’associer avec la récente histoire de la démocratie du Congo qui part vraisemblablement des années 90. Cette période est définie par bon nombre d’observateurs comme le renouveau démocratique au Congo. Cependant les facteurs de cet élan démocratique ne font pas toujours l’unanimité. Plusieurs voix reconnaissent la prééminence du discours de La Baule du président français François Mitterrand et la chute du mur de Berlin, à côté d’une minorité qui martèle non sans oppression sur le rôle déterminant des Politiques d’Ajustement Structurel (PAS), lesquelles depuis les années 80 ont montré les limites aussi bien des régimes autocratiques que des institutions internationales, avec des programmes et des projets dont les résultats sont mitigés. La démocratie aurait fait alors miroiter au peuple Congolais une  prise en main nécessaire de son destin. La définition de la démocratie d’Abraham Lincoln circonscrit de façon forte éloquente le contexte congolais, «  la démocratie est le gouvernement, du peuple par le peuple ». Les mécanismes retenus pour amorcer le processus démocratique n’ont pas été sans reproches après trois décennies d’expérimentation. Les limites observées sont à la fois exogènes et endogènes ; s’il est avéré que la transposition des pratiques démocratiques des pays occidentaux se heurte à la réalité sociale du Congo, l’instinct de conservation de pouvoir de l’élite qui favorise la reproduction sociale étouffe les aspirations pourtant légitimes du peuple à disposer de son avenir conformément à l’article premier du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Un autre goulot d’étranglement, souvent renvoyer aux calendres grecques, reste le poids des firmes multinationales notamment Total et Eni, lesquels sont au centre des scandales d’ingérence et de corruption qui assènent le processus démocratique dans un pays qui puise l’essentiel de ses ressources des activités de celles-ci sur son territoire. L’implication d’Elf-Congo dans la guerre civile qui a suspendu le processus démocratique, ne peut être pris comme un accident de parcours, bien au contraire ces firmes sont des acteurs majeurs du processus démocratique. Elles  doivent de ce point de vue intégrer toute réflexion qui vise à cerner la problématique démocratique au Congo-Brazzaville. C’est autant dire que voilà plus de deux décennies que le Congo s’exerce à la démocratie. Il n’est pas osé d’admettre que la démocratie, même à en croire la définition d’Abraham Lincoln est un idéal auquel un peuple aspire, elle ne saurait être un acquis et donc demeure une dynamique qui toutefois requiert un substrat. Les fondements d’une nation démocratique nous permettront d’atteindre nos objectifs. Avant tout, il faut les identifier ou les définir. « Identifier », si nous partons du principe de l’universalité de la démocratie pour être à l’abri d’un certain populisme entretenu par l’élite dirigeante qui soutient l’idée d’une démocratie à la « congolaise » qui se passerait quelques fois du principe cardinal de l’alternance politique. Le point d’achoppement le plus évident reste l’alternance démocratique. L’alternance attendue au sommet de l’Etat devait être magnifiée dans tous les maillons de la nation. La régularité des échéances électorales et même la consultation systématique (référendum du 25 octobre 2015) ne vérifient pas la fiabilité du processus démocratique. C’est  le moins qu’on puisse dire, car aujourd’hui encore  le Congo serait sous  un régime de type autoritaire à en croire une certaine opinion. Cette classification adoptée par plusieurs observateurs justifie le choix d’effectuer  un état des lieux de la démocratie au Congo.


 

 

 

 

I.             La Confrontation des piliers

1)  L’analyse critique de la Constitution

Avant tout, disons que le Congo s’est doté d’une Constitution qui soit à la hauteur des ambitions d’une nation qui se veut démocratique. Toutefois elle accuse des limites qui entravent sa lancée. Mais voyons ce que l’on peut reprocher à cette loi fondamentale qui calibre le Congo à l’optique de la démocratie. L’article premier de la Constitution du 6 novembre 2015 stipule, « La République du Congo est un État de droit, souverain, unitaire et indivisible, décentralisé, laïc et démocratique. ». Les expressions « État de droit » et «  démocratique » ne sont pas des états de fait. Elles sont la conséquence des règles et des pratiques, lesquelles concourent à la démocratie sur fond des libertés publiques. Pour parler de l’Etat de droit qui repose essentiellement sur l’indépendance des juges, des avocats et des médias. L’exercice de  la profession de juge est régi par le pouvoir discrétionnaire du président de la République. La Constitution consacre au Président la mission de présider le Conseil supérieur de la magistrature. Le président ne rend compte à aucune institution et encore moins au peuple des décisions prises au Conseil supérieur de la magistrature. Le ministre de la justice qui ne jouit d’aucun mandat peut présider le Conseil supérieur de la magistrature, ayant de fait une autorité sujette à caution, il est dans une situation arbitraire en violation flagrante du principe « du Gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». Ledit principe fait obligation aux mandataires de rendre compte aux mandants. Les juges sont sous la coupe du Président et du Gouvernement, la liberté du pouvoir judiciaire est hypothétique. L’article 138 de la Constitution prescrit au Président de la République les pouvoirs de dissoudre l’Assemblée nationale qui est l’unique chambre du Parlement dont les membres sont élus au suffrage universel direct, une représentation nationale du peuple, laquelle devrait faire le contrepoids au pouvoir exécutif sans restriction aucune. En effet, seul le Président est mandaté par le souverain primaire. Si la préoccupation est d’amorcer le processus démocratique, le mandataire se doit de rendre compte aux mandats dans des conditions qui garantissent l’équité. Le mode de scrutin étant identique à celui du Président de la République à une exception près ; les députés jouissent d’une légitimité qui n’a d’égal que le peuple. La dissolution de l’Assemblée nationale sans consultation préalable du peuple est une violation de la souveraineté nationale conférée au Peuple par l’article 5 alinéas 1 de la Constitution qui stipule, « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce au moyen du suffrage universel, par ses représentants élus ou par voie de référendum. Aucune fraction du peuple, aucun corps de l'État ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice ». L’alinéa 2 du même article, vient en contradiction avec l’alinéa 1 qui attribue l’initiative du référendum au président de la République qui détient par voie de fait la souveraineté pourtant dévolue au seul peuple. Les députés échus suite à l’initiative du Président de la République ne sont pas privés de leurs droits, car ils ne font pas l’objet d’une condamnation d’une juridiction quelconque. Dans ces conditions arbitraires plutôt manifestes, l’Etat de droit est en péril. L’équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif est sujet à caution. En définitif, une lecture laconique de la Constitution permet de confirmer sans peur de se tromper que la Constitution du 6 novembre 2016 attribue les pleins pouvoirs au Président, lequel peut renverser le Gouvernement par le simple fait de relever le Premier ministre, qui serait en outre nommé sans aucune contrainte du pouvoir législatif et dissoudre l’Assemblée nationale sans motiver sa décision. En effet, la motivation est un justificatif qui reposerait sur les règles de droit, et non pas de la simple volonté du Président de la République (l’arbitraire).

 2)  Les critères retoqués

La légitimité des acteurs politiques émanerait du peuple à en croire la Constitution  qui en son article 2 dispose, «  Le principe de la République est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple ». Seuls 54,28°/o des membres du gouvernement Clément MOUAMBA II sont  des élus (députés).  Quand on sait que  ledit gouvernement a été formé à la faveur des résultats des élections législatifs de juillet 2017, au cours de laquelle le parti au pouvoir avait recueillies 90 sièges sur les 135. L’ossature de ce gouvernement raffermit la position du Parti Congolais du Travail (PCT) comme première force de la majorité présidentielle. Le fait de contenter le PCT, en lui faisant la part belle au gouvernement et de passer sous silence la volonté du peuple, laquelle se manifesterait par un gouvernement fidèle aux résultats des élections législatives va à l’encontre du processus. En l’occurrence des députés dont la légitimité ne souffre pas de contestation du moins dans la forme, puisque dans le fond le peuple ne s’identifie pas à ces élections qui du reste sont contestées. Par ailleurs, la vie des institutions ne consolident  en rien les députés dans leurs positions de mandataire. Le principe de base étant tronqué le processus démocratique est alambiqué. Le peuple n’est plus au cœur des préoccupations des dirigeants. Dans le contexte congolais, le peuple ne peut pas parer à cette dérive, car il n’est pas à l’initiative du référendum et mieux la sociologie politique laisse à désirer. La démocratie n’est pas une ambition et encore moins une vue de l’esprit, mais un discours creux et démagogique. La volonté de garder le pouvoir étant manifeste les fondements de la démocratie sont piétinés. La marge de manœuvre du souverain primaire est mince. Il subit un pouvoir monarchique qui le rend à la condition de sujet. Les mécanismes créés par la Constitution qui prive le peuple tant de ses droits que ses libertés. Une monarchie tacite s’est installée. Cette opinion s’explique par le fait que le peuple n’ait pas à sa disposition les moyens qui lui permettent de contrôler tant soit peu les actions de leurs représentants. Par parallélisme de forme, si les députés doivent-ils rendre compte au peuple, et pourquoi alors le président de la République n’est-il pas soumis à la même contrainte ? Ce qui devait être le cas tant il incarne une République qui se fonde sur le principe du pouvoir du peuple. Entendu que les questions orales au gouvernement ne concernent que le premier ministre et les autres membres du gouvernement.

3)  La vie des institutions

Les élections ont été régulièrement organisées depuis 2002 à quelques exceptions près. Les institutions fonctionnent à qui mieux mieux…Le changement de la Constitution intervenue en 2015 a jeté le discrédit sur les institutions. La souplesse des institutions face aux enjeux de l’époque a fait perdre à celles-ci le prestige que seul le peuple confère… Le jeu de l’équilibre a fait défaut et les institutions se présentent dorénavant aux yeux des congolais comme un bloc compact, lequel fonctionne comme une mafia chapeautée par la présidence de la République. Les différents acteurs ne sont nullement droits dans leurs bottes, ils claudiquent face à des intérêts qui sont diamétralement opposés à l’intérêt général. L’origine des faiblesses constatées au sein des institutions notamment les deux chambres du Parlement est à chercher dans le fonctionnement des partis et des accords contre-nature qui émaillent l’histoire contemporaine de la politique congolaise. L’intérêt général ne détermine pas les actions des uns et des autres. Les mandatés s’abstiennent à marcher sur les œufs et marchent désormais clopin-clopant. Si les valeurs morales font défaut. Le statut des élus est un bouclier, qui menace le processus démocratique. Il n’y a pas à s’étonner de cette allégation, puisque les privilèges attribués aux élus les placent sur une citadelle. Les mandants n’ayant aucun pouvoir en leur possession, regardent de haut leurs mandatés qui s’approprient les institutions. Les activités des institutions doivent viser l’intérêt général et non pas emprunter des méandres qui savent gré des ambitions des élus. En quoi sont-ils de mandants si une fois élu, le mandaté peut se passer de ses mandants sous réserve de ne plus se présenter aux prochaines échéances notamment en ce qui concerne les députés. Mais la longévité de certains d’entre eux chevauche pourtant dans la plupart des cas avec l’opinion qui se dégage dans leurs circonscriptions respectives, remettant en cause la viabilité de celles-ci. Le changement de la Constitution a méjugé la fiabilité des institutions. L’organisation des élections anticipées à la faveur de la nouvelle République a refreiné l’élan démocratique impulsé en 2002. L’engouement populaire caricaturé par la majorité présidentielle (PCT et alliés) a buté sur des mécanismes juridiques taillés sur mesure et  conçus prétendument dans le dessein de conserver le pouvoir. En effet, l’initiative du référendum qui revient uniquement au président de la République, a privé le référendum du 25 octobre 2015 du sceau de la souveraineté du peuple et de la consécration qui s’ensuit... Les consultations des forces vives de la nation et le dialogue de Sibiti n’ont pas pu légitimer cette initiative. En outre, les consultations et le dialogue de Sibiti de 2015 avec comme objectif le changement de la Constitution ont écorché le prestige et la légitimité des institutions, notamment le Parlement, lequel a été privé de son essence. Les conclusions des différentes consultations n’ont pas été transcrites aux lois et donc l’arbitraire a pris le dessus. Cette déchéance du Parlement et par extension de la loi n’a pas fait l’objet d’une polémique ou d’un tollé. Elle a fendu profondément la légitimité de ces institutions de premier rang. Dans un contexte déjà trouble, il ne fallait pas mieux pour éclabousser le Sénat et l’Assemblée nationale. Le prétexte d’un dialogue inclusif avait mis autour d’une même table des professionnels de la politique et des aspirants qui n’ont que faire du peuple et mépriseraient la démocratie. Devant la main tendue d’un système qui avait le dos contre le mur du fait de la loi, le Parlement n’a ramené le débat en son sein. Le hold-up entretenu par le dialogue de Sibiti a dépouillé le  Parlement, qui a ainsi perdu son prestige et devenait par voie de fait une caisse de résonnance. Le peuple a bien de raison à perdre foi en cette institution. La réélection du président Denis Sassou Nguesso a vilipendé les institutions de la République. Dans ces conditions, la linéarité caractérisée par la tenue des sessions au niveau des deux chambres du Parlement et l’expérience acquise pendant de longues années se sont évanouies comme une trainée de poudre. Parmi tant d’exemples de la mollesse du Parlement, il est opportun d’évoquer l’épisode sur l’adoption du projet de loi sur l’accord de rééchelonnement de la dette du Congo envers la Chine. Cet épisode a montré à la face de la nation les faiblesses du Parlement. Cette institution qui a pour entres autres missions de contrôler l’action du gouvernement, a littéralement failli. « Si l’on peut reconnaître au gouvernement la charge de respecter les engagements relatifs à la dette du Congo vers la Chine, il revient au Parlement de contrôler les actions menées dans le cadre de la gestion de celle-ci ». Les exemples sont légion. Une crise multidimensionnelle tant les tentacules ont porté atteinte à la crédibilité des institutions et à poser le problème de l’éthique, l’intégrité et la probité de la classe politique. Nous avons fi des autres institutions car elles n’émanent pas de la volonté du peuple. Elles ne peuvent faire l’objet d’une analyse qui se veut démocratique.

4)  La crise de la représentativité

La plupart des institutions sont en crise. Ces crises sont d’autant plus profondes que la nouvelle constitution n’a pas pu préconiser des remèdes pour les requinquer. Contre toute attente, elle est venue comme jeter de l’huile au feu. Nous tenons à relever que la crise de la représentativité au Congo peut être appréciée  sous deux angles ; la situation des magistrats, qui exercent pour le compte du peuple sans en avoir reçu  mandat dans le sens d’une élection, soit au suffrage universel ou par le collège des magistrats.  Cette indépendance biaisée, car dans le contexte congolais, le président de la République a une main mise sur le pouvoir judiciaire. Il est démuni de la légitimité face aux autres pouvoirs qui n’ont qu’une légitimité relative ; le pouvoir exécutif ne satisfait pas à la plénitude de la légitimité car les membres du gouvernement ne sont pas toujours des élus ce qui est en outre justifié par un pouvoir discrétionnaire qui  n’est encadré par la loi. Les membres du gouvernement ne reçoivent donc pas un mandat du souverain primaire ; la nomination de Clément Mouamba au poste de premier ministre est un  éloquent exemple de l’imbroglio qui règne dans la formation des équilibres nécessaires pour la légitimité du pouvoir exécutif. Clément Mouamba qui était un dissident de l’UPADS, s’est retrouvé du jour au lendemain chef du gouvernement. Si dans la foulée, il a adhéré au PCT (principale force de la majorité présidentielle), il n’est moins qu’un cheveu dans la soupe, une mouche qui est présente à une fête sans y être invitée. L’incongruité est manifeste.  Elle n’hésiterait pas de voler sur de la merde. C’est fort des arrangements parfois grossiers que les institutions sont discréditées.  Au niveau du Parlement, les modalités d’élection des membres du Sénat tombent sous le coup d’un mécanisme qui défie les principes démocratiques. Les sénateurs qui ne sont pas élus au suffrage universel direct ne peuvent incarner la volonté du peuple. La représentativité telle qu’évoquée ci-dessus n’est pas un cours d’eau tranquille, qui amènera la démocratie congolaise à bon port. Elle est plutôt tumultueuse. La chambre basse du Parlement congolais jouit d’une légitimité qui n’est pas exempte de reproches. Elle ne vérifie pas les trois critères qui garantissent une représentativité saine à savoir :

-       Le consentement des citoyens à être gouvernés ;

-       L’inclusion égalitaire des citoyens dans le processus de décision ;

-       Le contrôle et la contestation des décisions et des décideurs par les citoyens.

  Les limites de la démocratie représentative incitent à la recherche des solutions idoines pour poursuivre le processus de démocratisation. Cela ne fait l’ombre d’aucun doute que le peuple congolais dans son ensemble a opté pour un régime démocratique. Ce désir va bien au-delà des déclarations tapageuses des acteurs politiques, déclarations qui ne se vérifient pas toutefois dans les faits. La culture démocratique est encore à une étape embryonnaire. Les pratiques au sein des mutuelles, associations professionnelles et des confessions religieuses militent à  divers degrés pour les élections et l’alternance. « La démocratie participative est l’implication des citoyens dans la vie publique par voie de consultations, d’associations… ». Si l’on peut reconnaître une régularité de l’organisation des assemblées au sein des associations et groupements placés sous la houlette des églises traditionnelles à savoir l’église catholique , l’église évangélique et l’Armée du salut. Les initiatives locales « mutuelles » reflètent une réalité qui s’oppose aux critères de la démocratie. Les animateurs de ces organisations à caractère social, voir économique sont des potentats, pour la plupart hostiles aux consultations et autres réformes mêmes salvatrices pour le plus grand nombre, mais qui porteraient atteinte à leurs prestiges et mettent fin à leurs prérogatives. C’est dire que les droits collectifs ne sont pas ancrés dans les mœurs et n’inspirent pas une élite opportuniste. La démocratie représentative remplira les missions à lui assigner par le peuple si dans les différentes configurations de la société, la culture démocratique s’expérimentait… L’élite politique congolaise se crée en marge des valeurs citoyennes car la culture citoyenne est en friche. La carence en culture démocratique est l’effet conjugué des manigances d’un régime autocratique et de l’obscurantisme du peuple. Le pouvoir est avant tout un rapport de force, ceux qui l’exercent pour le compte du plus grand nombre ont tendance à se l’approprier. Les conditions de désignation et ou d’élection des dirigeants au sein des partis politiques en disent long sur les motivations de la constitution d’une élite politique sur des bases plutôt subjectives. Ce qui a la conséquence de refreiner l’élan démocratique porté par le peuple congolais. Les taux d’abstention exprimant une réticence ou un rejet du peuple face à une démocratie  qui peine à prendre ses couleurs.

5)  Les libertés publiques

Le titre II de la Constitution du 06 novembre 2015 est consacré aux libertés publiques.  Malgré que la Constitution dédie un titre aux libertés publiques, le fossé entre le vœu ainsi manifesté et la pratique reste d’autant plus grand que les libertés publiques sont ni plus, ni moins qu’une vue de l’esprit. C’est une preuve de l’immaturité de la démocratie congolaise. Si d’entrée de jeu, il est établi que la démocratie au Congo est dans un état embryonnaire, il importe toutefois d’élucider les pesanteurs qui retiennent celle-ci en l’état. C’est dire qu’on ne saurait s’arrêter sur ce fait sans en évoquer les causes. Si elles ne sont pas éprouvées ce n’est pas faute d’avoir essayé de croire à son bien-fondé. Les fondements de la démocratie étant bafoués, son prolongement, mieux ses extensions ne peuvent être que redoutées et cela d’autant plus que la notion est loin de se vérifier dans le quotidien et le besoin n’est pas pressant. Les élections transparentes et équitables restent la principale préoccupation du plus grand nombre. Elles sont perçues comme la condition optimale de la démocratie. Le pouvoir prend son parti devant l’obscurantisme de la population pour faire des libertés publiques un gadget, un domaine réservé à l’élite composée essentiellement des « apparatchiks » du pouvoir. C’est bien là, l’expression du revers de la « critique de Marx contre les droits de l’homme ». Pour une société devenue libérale, les communistes reconvertis à la va-vite au libéralisme n’ont pas mieux fait d’exploiter cette faiblesse qui est du moins déterminante dans la citoyenneté. En outre les conflits armés ont porté préjudice à l’idéal des droits humains sur lequel les libertés publiques puisent leur essence. C’est dire que si les citoyens n’expriment pas le désir d’accéder aux libertés publiques aussi bien par le fait de l’obscurantisme des citoyens que de la démagogie des entrepreneurs politiques. L’exercice des libertés publiques requérant la prévalence d’un niveau  d’instruction  élevé et d’une citoyenneté affirmée, lesquels sont agréés à la fois par un système éducatif de qualité et une démocratie à maturité sinon des conditions propices à celle-ci. Ces conditions rapprochent les libertés publiques du périmètre du concret. Force est de constater qu’actuellement la voie est semée d’embûches… Mais avant de faire le tour d’horizon des libertés publiques, il est important de les dissocier avec les droits humains pour lever l’équivoque, auquel cas il serait bien difficile d’en parler dans le contexte congolais. Les libertés publiques sont des droits humains, spécifiquement les droits civils et les politiques que le gouvernement peut supprimer par la loi. Nous allons nous appuyer sur les principes protecteurs des libertés publiques à savoir le principe d’égalité et la souveraineté de la loi pour évaluer les forces et faiblesses dans le cadre du processus démocratique en République du Congo. Les deux principes renvoient à la prépondérance du droit dans les relations aussi bien entre citoyens ainsi qu’entre les citoyens et les institutions. L’histoire contemporaine du Congo révèle des limites quant au respect des libertés publiques. Les pouvoirs qui se sont succédé depuis l’avènement de l’ère démocratique n’ont pas œuvré pour la promotion des libertés publiques. N’étant pas une préoccupation au sein de la population, laquelle malgré le taux d’alphabétisation plutôt élevé appréhende les libertés publiques. Elles sont perçues comme l’étape ultime du processus de démocratisation et non un dispositif intégré dans le processus même. L’Etat qui a la mission de garantir les libertés publiques ne cesse de les violer. On n’incriminera pas l’Etat de façon délibérée sans motiver ce point de vue. En effet les libertés publiques sont  assimilées aux droits civils, lesquels sont des droits humains relatifs. Ce qui voudrait dire que l’établissement de la violation de tels droits n’est pas évident tant il est au préalable indispensable d’assurer une veille juridique qui permettra de vérifier si la restriction respecte les conditions requises. Les libertés d’association et de réunion sont garanties par la Constitution du 06 novembre 2015. Les récentes reformes intervenues au niveau notamment de la loi sur les partis politiques ont violé ces libertés mais aussi des principes fondamentaux du droit. Mais qu’en est-il en réalité sur les libertés publiques ? Bien de faits  corroborent l’opinion selon laquelle les libertés publiques sont loin de se vérifier dans le processus démocratique au Congo. La suspension des communications électroniques en mars 2016 et la publication des résultats de l’élection législative à des heures indues sont en outre des preuves de la facticité des libertés publiques.

6)  Les formations politiques.

Le cadre dans lequel évoluent les formations politiques est régi par la loi n° 20-2017 du 12 mai 2017 portant loi organique relative aux conditions de création, d’existence et aux modalités de financement des partis politiques.  Sur un total de deux cent un (201) avant sa promulgation,  seul quarante-neuf (49) partis sont prétendument conformes à celle-ci. Lesquels partis répondraient dans une certaine mesure aux dispositions de cette loi. Par ailleurs une lecture simpliste de cette dernière prouve à suffisance que même la principale force de la majorité présidentielle viole de façon flagrante  la loi  supra. En effet, le Parti Congolais du Travail (PCT) est en porte-à-faux avec l’alinéa 2 de l’article 15 de la loi susmentionnée. Il y a lieu de se poser la question de savoir en quoi ce parti est conforme à cette loi afin qu’il se prévalût  d’un statut légal et poursuivisse ses activités comme de rien n’était...  Entre temps   l’opinion nationale peut se féliciter de cette purge, qui a le mérite d’assainir l’environnement politique. Parce que passer au peigne fin deux cent (200) partis, c’est tout comme chercher une aiguille dans une boîte de foin. Nonobstant les décisions, deux poids, deux mesures qui ont émaillé l’application de la loi organique, celle-ci permet de faire panorama des formations politiques avec une aisance relative. Les dysfonctionnements, mieux les faiblesses de la démocratisation du Congo seraient enracinés au sein des formations politiques. Les partis porteraient les mauvais germes qui polluent l’environnement. Depuis 1990, trois principaux partis ont occupé la scène politique congolaise. Il s’agit respectivement du Parti Congolais du Travail (PCT) , L’Union Panafricaine pour la Démocratie Sociale (UPADS) et le Mouvement Congolais pour la Démocratie et le Développement Intégral (MCDDI). Les candidats présentés par ces partis ont soit remporté les élections ou ont joué un rôle déterminant au cours des différents scrutins. Cette participation plutôt régulière aux échéances cache une réalité plutôt triste. Les manières et encore moins les méthodes qui y ont cours, ne sont pas démocratiques et cela de très loin avec les donnés au niveau national. Si l’on peut considérer la tenue régulière des élections comme un signe positif dans le processus de démocratisation au Congo, la vie des partis, notamment le renouvellement des instances et les procédures de définition des programmes,  de plateformes et des plans ne répondent pas au critère élémentaire des consultations démocratiques. Les partis ne renouvellent presque pas leurs instances de façon démocratique. Les pratiques dignes de l’autoritarisme s’installent et instaurent une ambiance délétère, qui ne garantit pas la démocratie en leur sein et réduisent les militants à la condition de sujet. Cet état de fait prend en otage la démocratisation, qui est finalement en trompe l’œil et donc de factice.  Le culte de la personnalité est de mise dans les partis tant de l’opposition que de la majorité présidentielle. Pour n’aborder que le cas des trois partis phares ; depuis 1979, Denis Sassou Nguesso est président du Comité Central du Parti Congolais du Travail et ce poste n’a jamais été en compétition. Le MCDDI créé à la sortie de la conférence nationale de 1991, traîne aussi bien les tares du culte de la personnalité que du clientélisme. Le président-fondateur du parti Bernard Kolélas a géré le parti sans partager tant les renouvellements des instances n’ont jamais été organisé conformément aux textes fondamentaux, les remembrements se faisant à la sauvette et donc sans légitimité aucune, le MCDDI a été réduit à un « bijou de famille ».  Cela a en outre  permis à sa progéniture de se l’approprier comme tel. Les luttes intestines qui ont débouché par des scissions, des dislocations ou des démembrements ont favorisé l’émergence des leaders directifs (coercitive) qui sont tout sauf démocratique. Les rivalités au sein du MCDDI ont mis à nue ses clivages intrinsèques. Les compagnons de Bernard Kolélas ont été démarqués avant que la guerre de succession ne cause le déchirement de la fratrie. Les frères Kolélas se sont discutés le parti comme un héritage. L’UPADS n’est certes pas sur la même lancée que le PCT et le MCDDI, mais elle a des relents d’une formation, laquelle s’appuierait sur le repli identitaire. Ce n’est pas pour autant sa marque de fabrique, les deux autres partis surfent sur les mêmes considérations. Il faut dire que dans cette configuration, les activités politiques sont l’apanage d’une élite qui se constitue à la va-vite, sous fond de clientélisme, entretenu par des affinités.  Les filiations priment pratiquement sur les valeurs démocratiques ; les fils succèdent aux pères à un rythme effréné. On ne compte plus les exemples tant ils sont nombreux et divers. Toutefois, on peut citer à côté du MCDDI, Le RDPS de Jean Pierre Thystère Tchicaya dont le fils Jean Marc Thystère Tchicaya a hérité la présidence du parti. Au RDD de Jean Jacques Yhombi Opango succède à Jacques Joachim Yhombi Opango  et l’UDR- Mwinda d’André Milongo ne fait pas exception. L’ « épuration » de quelques partis politiques n’a pas apporté l’effet escompté du moins, les partis dits conformes à la loi ne sont pas en odeur de sainteté avec le peuple qui les perçoit comme des syndicats dont les dirigeants sont nommés sur des bases subjectives. Comment se porterait la démocratie avec un tel ramassis ?

7)  La société civile

La société civile échappe-t-il à la main mise d’un pouvoir autocrate ? Ce serait faire preuve de partialité que de « condamner » les pratiques d’un régime qui se veut démocratique.  Le législateur a le mérite d’insuffler à la démocratie, à l’Etat de droit… Les lois sont présumées être conçues dans le sens des valeurs républicaines. Il faut toutefois relever le fait que la société civile est altérée par l’immixtion des entrepreneurs politiques. En effet, les actions de la société civile s’apparentent à la concurrence pour les détenteurs de la puissance publique. En conséquence de cause, les acteurs politiques n’ont pas trouvé mieux que de se l’approprier contre toute espérance de démocratie.  C’est le moins qu’on puisse dire…Le rôle qui lui est dévolu tant par la communauté internationale que nationale lui met d’une certaine manière en compétition avec les détenteurs de la puissance publique qui se complaisent dans les conflits d’intérêt si ce n’est dans ce qui frise à l’abus  de pouvoir. La société civile en œuvrant pour une société plus juste et équitable, telle est sa prédestination, révèle les limites de l’action de l’Etat, quand elle ne les dénonce pas. La position adoptée par l’Eglise catholique, notamment par les évêques du Congo à l’occasion de la consultation des forces vives de la nation par le Chef de l’Etat Congolais Denis Sassou Nguesso en mai 2015, consultation en prélude du changement de la Constitution du 20 janvier témoigne d’un  antagonisme entre les détenteurs de la puissance publique avec cette frange de la société civile congolaise qui est présente dans les domaines aussi variés que divers… La loi n° 20 – 2017 du 12 mai 2017 portant loi organique relative aux conditions de création, d’existence et aux modalités de financement  des partis politiques a lancé les bases du démêlement entre les actions civiles, lesquelles ont trait à la citoyenneté et la politique lequel renvois à l’exercice du pouvoir. Cependant, cette loi n’a pas enrayé le problème de fonds qui est celui du mélange de genre , de l’imposture des entrepreneurs politiques qui disposent, quand ils ne les manipulent pas ces organisations vouées à la défense des intérêts du peuple sans contrepartie sinon que le sentiment légitime d’avoir participé à la construction d’une nation démocratique. Les fondations qui pullulent, faisant le marketing social des acteurs politiques, députés et parfois membres du gouvernement, lesquelles volent la vedette aux fondations des sociétés comme MTN Congo, Société Nationale des Pétroles du Congo (SNPC) laisse interrogateur plus d’un observateur. Pourquoi donc les entrepreneurs politiques affluent-ils vers le mécénat et encore si nous pouvons appeler ce conflit d’intérêt entaché de blanchiment ainsi.  La Constitution du 06 novembre 2015 institue le Conseil Consultatif de la Société civile. Cette évolution porte atteinte à l’intégrité de ce levier de la démocratie. Si les institutions de la République incarnent la puissance publique, c’est-à-dire l’Etat, la société civile est l’expression de la citoyenneté par nature, tant elle matérialise l’engagement des citoyens dans la gestion de la chose publique. Elle constitue d’une certaine manière le contrepoids de l’exercice de la  puissance publique par des élus aussi bien les parlementaires, les conseillers locaux que le président de la République.  La diversité des domaines dans lesquels, elle intervient, consolide l’opinion selon laquelle elle porte la voix des minorités.  Mais qu’en est-il dans la pratique, quand une constitution institue un conseil consultatif de la société civile qui devient, un démembrement de l’Etat. « Peut-on être peuple, quand on conseille le roi ? », d’emblée nous disons non ! Et le conseil consultatif de la société civile qui est placé sous l’autorité du président de la République avilit la société civile. Dans un  Congo ou la politique n’est pas un sacerdoce, l’accointance entre la société civile et les détenteurs de la puissance publique n’augurent  que la manipulation ou la déformation.

8)     Les médias

Dans le contexte actuel, faire le panorama des médias appelle à prendre en ligne de compte aussi bien  les médias traditionnels tels que la presse écrite et l’audiovisuelle, c’est-à-dire la télé et la radio. A l’ère du numérique, les médias sociaux ne peuvent être en reste... A la sortie de la Conférence nationale, il y a une éclosion dans le domaine de la presse écrite. Il était d’ailleurs difficile de les répertorier tant les initiatives s’étaient multipliées à une cadence démentielle. La fin des années 90 a été marquée par une floraison des chaînes de télévisions et de stations radios. La chaîne nationale avec deux stations réparties entre les deux villes, Brazzaville et Pointe-Noire est en concurrence avec des chaînes privées dont les promoteurs ont pour la plupart des accointances avec les détenteurs de la puissance publique, on se passerait ainsi de commentaires sur la qualité de leurs programmes. La principale chaîne privée présente dans les deux villes, la Digital Radio Télévision (DRTV) est une propriété d’un général qui croupit actuellement en prison. Il écope d’une peine de cinq(5) ans d’emprisonnement ferme pour atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat. C’est dire combien les acteurs politiques ont la main mise sur les médias. A côté, nous pouvons citer Vox TV, MNTV, et Top TV qui appartiendraient respectivement au fils, au frère et à la fille du président de la République. Aux dernières nouvelles, les deux dernières chaînes auraient déposé la clef sous le paillasson en attendant les jours meilleurs. MCV est un groupe de presse, qui comprend en son sein une chaîne de télévision et une station radio. Le promoteur est soupçonné de bénéficier des faveurs du pouvoir en place.  Les médias traditionnels qui exigent des financements conséquents, sont contrôlés par l’élite.  Il faut  cependant nuancer  cette notion d’élite qui est du moins hétéroclite dans le contexte congolais. Au fait, lesquels constituent-ils l’élite ? Sans tourner en rond, il s’agit de la classe politique, des hauts fonctionnaires tant militaires que civils, et des opérateurs économiques qui sont toutefois sous l’emprise des acteurs politiques. Cela s’explique par le fait que dans une  dynamique impulsée par les conflits d’intérêt, les prête-noms font partie de   l’élite. Parlant tout d’abord, de la télévision et la radio nationale. Ces organes sont à la botte des détenteurs de la puissance publique, ils font ainsi le jeu de l’endoctrinement devenant par voie de fait des leviers de la communication du pouvoir et non pas des outils au service de l’information du plus grand nombre, lequel serait en théorie le détenteur du pouvoir. Ses prestations relèvent à n’en point douté du domaine de la communication. Une communication qui se rapproche de plus en plus à la propagande car les activités du président de la République hantent désormais le peuple qui est assujetti. Les émissions et programmes vouent les louanges du pouvoir et le peuple est dénudé. Le processus démocratique s’essouffle… Ce n’est pas toujours évident de faire le lien entre des médias et la démocratie.  Les émissions qui ont résisté à l’effet corrosif du temps, excepté le vingt heures, font la part belle aux détenteurs de la puissance publique. Pour ne parler que des émissions qui ont pignon sur rue telles que,  « l’Economie en marche » et « «Emergence » qui sont diffusées sur la chaîne nationale, en disent long sur la ligne éditoriale de celle-ci. La structure du journal télévisé de vingt-heures (20h) ne contredit pas cette opinion. Les organes de presse de l’Etat qui ont vocation de diffuser les opinions et les confronter voir les ajuster, sont au service d’un pouvoir qui  ne rend pas compte, mais se complaint dans le culte de la personnalité. L’audience n’est entretenue que dans le sens qui plaide pour les détenteurs de la puissance publique. Le propagandisme pourchasse le populisme. C’est bien le drame de cet organe dont la mission était de porter la voix du peuple. Il y est fait nuit et jour  l’éloge des dirigeants et autorités, lesquels s’arrachent à coût de trafic d’influence  voir d’intéressement des plages et espaces qui pour se faire valoir, tel autre pour attaquer quand ce n’est pas pour contre-attaquer...Les plateaux sont aussi cyniques que ces organes qui encensent les entrepreneurs politiques. Cela est tout aussi valable pour les médias privés. Donc le « parent pauvre », la presse écrite se démarque, elle s’érige contre le pouvoir exception faite pour « La semaine africaine » et les « dépêches de Brazzaville » dont les lignes éditoriales sont du reste conformes à une dynamique démocratique. Dans une conjoncture de  libéralisation, l’actionnariat des différents médias peut expliquer en partie l’entorse que ces derniers font au processus démocratique. Les médias sociaux font le prix de la frustration.

II.           La démocratie congolaise : Les acquis controversés

1)  La difficile reconversion de l’élite

La mayonnaise a du mal à prendre parce que l’élite ne parvient pas à se dépareiller. Ce n’est pas évident que de demander à une classe politique qui a derrière elle, plus de trois décennies de règne avec des pratiques autoritaires,  voir dictatoriales de renaître sur ses cendres ou de faire peau neuve. Quelle attitude devrait adopter les membres d’un système qui met à rude épreuve entre autres le principe de l’alternance ? S’il est admis que le renouveau démocratique au Congo part de l’adoption de la Constitution du 20 janvier 2002 et consolider par toutes les consultations qui ont suivi, on peut déclarer sans risque de se payer la tête de qui que se soit  que le processus démocratique en République du Congo traine les pieds faute d’inadaptation des acteurs politiques ; les vainqueurs de la guerre civile de 1997 n’ont pas pu échanger le fusil contre la volonté des urnes. Etant dans la peau des conquérants, la démocratie, l’état de droit et les droits humains sont ni plus, ni moins que des carcans qu’il faut s’en débarrasser au plus pressé. Dans la foulée, examinons  les conséquences des troubles à l’ordre public  observé le 16 décembre 2013 et la comparution en mai 2018 du général  Ngatsé Nianga Mboualé dans l’affaire dite du général Norbert Dabira,  renseigne  d’une part sur l’hostilité de l’élite face à la culture démocratique et d’autre part des velléités de recourir à la  force à tout moment pour conserver le pouvoir.  Le particulier n’expliquant pas la généralité, mais on ne peut que mettre des oiseaux d’un même plumage ensemble…Ainsi donc, l’élite a du mal à s’acclimater aux principes démocratiques. Un autre volet plutôt sournois consolide l’opinion selon laquelle, l’élite fait de la gestion de la chose publique une chasse gardée reléguant ainsi le peuple au second plan. La limitation de mandats au niveau de la fonction président de la République a été contournée par un référendum contesté vivement aussi bien par l’opposition que la société civile. La rotation au niveau de cette fonction a été prise en otage au grand dam du processus démocratique. En outre, les mandats des parlementaires ne sont pas soumis non plus à la limitation. Les incompatibilités qui palissent  aux conflits d’intérêts inhérents à l’exercice des fonctions publiques, transforment la fonction parlementaire  à une profession comme toutes les autres. Le remboursement des frais et les indemnités conséquentes perçues par les parlementaires mettent ces derniers devant un dilemme ;  rares sont des revenus tant au niveau de la fonction publique que du privé, qui rivalisent  avec les sommes astronomiques mises à la disposition des parlementaires. Ceux-ci ont un train de vie qui est bien au-dessus de la moyenne. Les parlementaires restent ainsi attachés aux avantages pécuniaires et sont de ce fait, tenter de s’accrocher à cette position qui les garantit une protection matérielle, ils se regardent désormais en chien de faïence avec leurs mandants. Il est donc difficile pour eux de ramer dans le sens de la démocratie, qui exige une participation civique, laquelle s’oppose aux comportements grégaires qui s’enracinent dans un parlement monolithique tel que celui du Congo. Pour mémoire, depuis près de deux décennies, le parti au pouvoir (PCT)  et ses alliés détiennent une majorité absolue au parlement. Quand on sait que ses partis peinent à renouvellement leurs instances. Les candidats proposés ou investis par cette plateforme politique n’échappent pas à la langueur qui les caractérise… Ce n’est pas trop demander que de réclamer des évaluations périodiques de l’action des parlementaires notamment ceux qui ont  franchi les limites du « tolérable » et ceux qui sont  à perpétuité des candidats uniques. Ce n’est aucunement l’expression de la démocratie et donc des mesures correctives voir évolutive s’imposent... Les parlementaires emballés dans une dynamique corporative bouchent les oreilles pour préserver leurs intérêts. Aujourd’hui encore dans les rangs des parlementaires, certains ont accumulé des mandats au point d’y faire carrière. A l’exécutif, certains membres du gouvernement sont en passe de se targuer la profession de « ministre » tant leur longévité bat des records et mue cette fonction en profession. Plusieurs départements ministériels sont ainsi personnalisés. Le phénomène « ministre-clé ou ministre indéboulonnable » gagne de l’ampleur, pas besoin de dire dans quelle condition se trouve une administration dans laquelle les personnes ressources sont revêtues de la casquette de « homme politique ou femme politique ». En somme,  si l’on peut supposer une popularité des candidats dans leurs circonscriptions respectives, alors qu’ils sont soit « candidats uniques » ou « éternel vainqueur », la loi pourrait toujours créer des conditions  qui militeraient  à la limitation de mandats afin de préserver les équilibres indispensables au jeu de la démocratie. Les hautes fonctions à vie tels que les ministres, les préfets et les directeurs généraux posent le problème de l’encadrement du pouvoir discrétionnaire du président de la République,  dont les nominations au fil des années sentent l’odeur du favoritisme et parfois  du clientélisme… Le président de la République ne peut créer des princes qui marcheraient sur le peuple en toute impunité

      2)  L’illusion de l’Etat de droit

Tâchons avant tout d’être sur la même longueur d’onde, car la notion « d’Etat de droit » est sujette à plusieurs interprétations, qui pourraient prêter à confusion à un certain moment de notre exposé. Qu’est « l’état de droit » avant de fourrer notre nez dans ce qui ressort de l’expérience du Congo dans le domaine ? N’allez surtout pas croire que cette notion fasse l’unanimité et davantage dans l’esprit de ceux qui seraient visiblement hostile au processus démocratique. Disant que, « l’Etat de droit est la prééminence du droit sur un pouvoir politique ». Cela est valable tant pour le peuple, l’élite que les autres sujets de droit… Dans l’exercice du pouvoir à lui confier par le peuple, l’élite se trouverait dans des situations lesquelles remettraient en cause le principe de l’Etat de droit. Si l’élite est détenteur de la puissance publique, elle la détient pas moins de la volonté du peuple, si l’on s’en tient à la Constitution et aux principes démocratiques dans ces conditions, l’Etat de droit serait un acquis tant l’article premier de la Constitution du 06 novembre 2015 stipule, « La République du Congo est un État de droit, souverain, unitaire et indivisible, décentralisé, laïc et démocratique… » . Alors il n’y aurait plus rien à dire, si la maxime « l’enfer est pavé de bonnes intentions », était d’un autre monde. Le législateur a eu la bonne intention de placer le Congo sous les auspices de l’«Etat de droit ». Il reste à savoir si les acteurs et le cours des événements ont-ils ramé dans le même sens et quelles ont été les entraves au processus ainsi amorcé ? Seuls les faits peuvent affirmer ou infirmer du respect de ce principe. Quoi de mieux que d’épiloguer sur la « loi n°20-2017 du 12 mai 2017 portant loi organique relative aux conditions de création, d’existence et aux modalités de financement des partis », pour se rendre compte tant bien que mal des forces et des faiblesses  enregistrées dans le domaine tout à fait attrayant qu’est la vie des partis pour la démocratie qui s’avise sur l’Etat de droit. Cette loi a laissé sur le bord du chemin bon nombre de partis qui tant bien que mal apportait leur pierre à l’édification d’une nation démocratique en République du Congo. Ces partis ont été mis hors-jeu, au motif qu’ils ne remplissaient pas les conditions d’exercer comme tel... La loi qui a bottée ces partis en touche,  est littéralement violée par le Parti Congolais du Travail (PCT) , qui est un sujet de droit comme tous les autres , avec les mêmes devoirs et obligations que les autres partis qui sont tombés sous le coup de celle-ci ; en réalité à la lecture de l’article 15 de la loi ci-dessus citée, le Parti Congolais du Travail serait en porte-à-faux avec cette loi. En effet,  le logotype que ce parti tient du passé qu’il a en partage avec l’Etat, ne peut être utilisé par ce dernier. C’est dire que les partis n’ont pas été traités équitablement. Cette loi a simplement mis hors de course les challengers de ce parti qui viole à plus d’un titre cette loi. Par ailleurs, la suspension, si s’en était une, pose le problème de la rétroactivité de la loi. Soyons précis afin de se prémunir de la confusion susceptible d’embrumer notre réflexion ; les partis légalement constitués ne peuvent être frappés par l’arbitrage du ministre en charge des affaires intérieures, quand bien même cette loi lui reconnaît la prérogative de publier la liste des partis politiques.   La loi est postérieure à la création de ces partis et donc elle ne pouvait pas les suspendre de façon manu militari au nom du critère de la sécurité juridique, lequel est l’un des critères les plus importants de l’Etat de droit. « Ce critère énonce que celui qui a observé une norme juridique, doit être protégé lorsque l’Etat modifie cette règlementation de manière rétroactive, mais également lorsqu’il le fait, éventuellement, seulement pour l’avenir ». Vous conviendrez avec nous que ces partis n’ont pas été protégés. Par ailleurs, l’inobservation de la sécurité juridique dans cette affaire nous fait passer pied joint dans l’encadrement du « pouvoir discrétionnaire », qui a débouché sur un pouvoir arbitraire en inadéquation avec le critère de l’Etat de droit. En outre, il n’est pas à écarter que les clauses de cette loi nous renvoient dans la problématique de l’abus du pouvoir. Les soupçons de corruption qui pèsent sur les agents de l’Etat (fonctionnaires, hauts fonctionnaires, élus nationaux et locaux), sont confortés par des conflits d’intérêt de plus en plus évidents, qui présentent l’espérance d’un Etat de droit en République du Congo comme une illusion, parce que la corruption entraîne un Etat de non-droit. Tous les critères de l’Etat de droit à savoir, la légalité, la sécurité juridique, la prévention de l’abus du pouvoir, l’égalité devant la loi et non-discrimination, et  l’accès à la justice  sont battus en brèche, courrez et montez sur les toits pour dire que la République du Congo est un Etat de droit.

3)  Les violations de droit de l’homme : une épine sous le pied

Quand le cadre dédié à l’exercice d’un nombre donné de droits civils et politiques tels la liberté d’expression, le droit de vote, d’éligibilité et l’égal accès aux fonctions publiques sont spoliés, on ne vend pas chère la peau des citoyens, lesquels entendaient  exercer lesdits droits . Le flou qui règne autour des rescapés de la purge des partis cause un malaise dans l’exercice des droits fondamentaux. En effet,  jusqu’à preuve du contraire les activités de ces partis ne portaient pas atteintes tant à la sécurité nationale qu’à la sureté publique. Cette privation n’est nullement justifiée, ainsi l’Etat violerait-il de façon délibérée les droits humains ?  Cela ne va pas sans conséquence pour  le processus démocratique. L’élection présidentielle de mars 2016 a révélé des violations flagrantes des droits humains et des pratiques dignes d’un régime dictatorial. Le pouvoir s’est longtemps refugié derrière ses missions régaliennes notamment la sécurité nationale et sureté publique pour justifier des violations des droits de l’homme telle que la suspension de l’internet et des communications téléphoniques au cours de l’élection présidentielle. Mais les conditions dans lesquelles, les résultats ont été publiés, frôlent non seulement l’intrigue, mais aussi un complot contre le peuple. Privé du droit d’expression et d’information par un arrêté du ministre en charge des affaires intérieures, le peuple était désemparé…L’heure à laquelle les résultats ont été publiés, mais aussi le statut de l’organe en charge de la publication des résultats, sèment  non seulement le trouble dans les esprits mais ne garantissent nullement la transparence et la crédibilité de ce scrutin. Les organisateurs de l’élection étaient dans une situation de conflit d’intérêts sans précédent, membre d’un gouvernement géré de main de maître par l’initiateur même d’un référendum sans lequel, ce dernier n’était plus éligible.  Comment alors supposer la bonne foi de ces acteurs politiques ? En outre les actes du gouvernement de l’époque convergeaient vers la conservation du pouvoir, non par une formation politique, mais par un entrepreneur politique qui est le principal gagnant au finish. Les manœuvres du moins grossières qui ont concouru à ce passage en force, heurtant de plein fouet  la restriction relative au droit à l’information et l’heure de la publication n’étant pas définies par une loi. L’Etat a ainsi commis une violation des droits de l’homme.  Les violations des droits humains ont donc jalonné le processus électoral déclenché par le changement de la Constitution du 20 janvier 2002. Il faut dire que les inconséquences du changement de la constitution et de l’élection présidentielle organisée dans la foulée sont tout aussi nombreuses qu’édifiantes en matière de violation de droits humains. Le droit à l’égalité devant la loi qui s’apparente au droit d’être reconnu en tant que personne devant la loi (l’isonomie) a été vraisemblablement violé ; la guerre du Pool qui s’est déclenché à l’occasion de la publication des résultats de l’élection présidentielle de 2016, est à n’en pas douter une atteinte à la sûreté de l’Etat que les instigateurs de cette révolte se seraient rendus coupable . Les exactions subies par les populations et autres traitements inhumains sont toutefois à mettre au passif de l’Etat comme des violations de droit de l’homme tant les traitements cruels, inhumains ou dégradants sont des violations des droits humains. L’immunité dont le chef de file des rebelles qui ont défié l’autorité de l’Etat dans le département du Pool bute de façon frontale avec le principe d’isonomie qui requiert l’égalité citoyenne ou politique.  Alors que l’Etat viole les droits humains faute de ne pas avoir pris des dispositions nécessaires pour protéger les populations civiles dans ce conflit. La démarche qui avait constitué à amnistier les ex-combattants et leur chef de file sans être jugés, montre une partialité ou mieux la prédominance de la politique sur le droit. Le  sort du candidat « malheur » à l’élection présidentielle de mars 2016,  Jean Marie Michel Mokoko jugé et condamné pour avoir tenté de porter atteinte à la sûreté de l’Etat laisse pantois plus d’un observateur . Il serait  judicieux de s’interroger sur le moindre mal entre celui qui aurait eu l’intention et celui qui passe à l’acte tout en laissant derrière lui un lourd tribut constitué d’actes de viols, de tortures, et autres traitements inhumains.  Par ailleurs, le mystère et les entraves qui entourent les visites de ce prisonnier laissent penser que ce dernier n’est nullement un prisonnier de droit commun, mais un prisonnier politique, autant dire un prisonnier d’opinion… La mobilisation  voir la réquisition des médias publics afin de couvrir les procès aussi bien des prisonniers Jean Marie Michel Mokoko, André Okombi Salissa et Norbert Dabira renforce l’opinion selon laquelle l’égalité devant la loi est une vue de l’esprit. Malgré que le régime justifie les restrictions des droits humains relatifs, les droits humains absolus montrent à suffisance que les droits humains sont quotidiennement violés. La démocratie en pâtit… L’analyse axée sur l’isonomie, c’est-à-dire, l’égalité devant la loi , qui est un fondement de la démocratie, montre l’état poussif de celle-ci au prisme du respect des droits humain qui reste un mirage.  

 4)  Un pouvoir judiciaire déconfit

L’égalité devant la loi s’éprouve par la sécurité juridique, mais également par la qualité et l’accessibilité des décisions rendues par la justice, qualité qui s’évalue à l’aune de l’effet conjugué des prescriptions de la loi et du pouvoir discrétionnaire des juges. Pour revenir sur le déroulement du procès du prisonnier Jean Marie Michel Mokoko, le recours à la médiatisation atteste une volonté de donner caution morale à un procès au relent d’un règlement de compte. Pourquoi alors les autres procès n’ont-ils pas fait l’objet de quelques médiatisations ? À l’abord, on serait tenté de faire valoir la sécurité nationale et l’ordre public. Si tel est le cas, on est dans l’obligeance d’affiner notre réflexion pour faire remonter à la surface, le manège qui tend à donner une légitimité à ce qui a apparu au fil des événements comme une machination. Il faut avant tout décliner des faits qui nous poussent à coller l’étiquette de « procès politique » au procès du prisonnier Jean Marie Michel Mokoko. Naturellement que la publicité des débats et le caractère public du procès ont été travestis. Pour preuve, l’assistance a été triée sur le volet. Il n’eut pas de direct, mais une grossière retransmission de morceaux choisis diffusés pour influer sur l’opinion, ce qui à terme écorche la liberté de pensée. Les informations étant filtrées, l’opinion est biaisée. L’arbitraire prend visiblement le dessus sur le droit. L’opprobre est jeté sur cette justice qui ne se fie pas toujours à la loi. Par ailleurs, l’exclusivité donnée à la chaîne nationale augure tout sauf de la liberté d’information. Devant un procès médiatisé dont la délicatesse qui l’entourait, n’était plus approuvée, autant se renseigner sur l’accusé ! Mais qui est Jean Marie Michel Mokoko ? Un candidat malheureux à l’élection présidentielle 2016, donc adversaire politique d’un président candidat, qui au sortir de cette élection a bénéficié de la sympathie du peuple, devenant par conséquent un adversaire de taille. La consultation initiée par le président de la République, laquelle a débouché sur le changement de la Constitution du 20 janvier 2002, qui était le seul moyen non pas légitime, mais tout au moins légal pour le président-candidat d’être à nouveau dans la course, dans le dessein de briguer un énième mandat. En tout état de cause, le malaise était perceptible et la manœuvre politique établie dans toute sa grossièreté… Tout corroborait ainsi à donner une coloration politique au procès du condamné. Selon la formulation d’Otto Kirscheimer, « le procès politique » est un procès criminel d’un adversaire politique pour des raisons politiques ». C’est bien la situation dans laquelle s’est trouvée le candidat dit malheureux. Un autre fait renforce l’opinion selon laquelle, l’isonomie est loin d’être une réalité dans le processus démocratique en cours au Congo. En s’appuyant cette fois-ci, sur la posture de la justice, laquelle serait taxée à raison indolente, eu égard aux violences perpétrées dans le département du Pool sous le commandement de Frédéric Bitsangou alias « Pateur Ntumi » ; ce citoyen congolais qui a récidivé plus d’une fois avec des infractions telles que la détention de munitions et d’armes de guerre, de voie de fait, et même d’atteinte à la sécurité et la sureté publique n’a jamais été inquiété et encore moins poursuivi… Il n’y a rien de plus déconcertant que son amnistie qui ne se base sur aucune décision de justice. Une amnistie qui ne suspend pas une décision de justice, mieux qui rivalise avec celle-ci, c’est de l’impunité surmontée d’une prise en otage de la justice. Voilà une preuve palpable de l’institutionnalisation de l’impunité, un Etat dont la miséricorde est accordée dans la discrimination au détriment de l’équité et de la justice. La justice, serait-elle rendue pour chercher des équilibres partisans ? Ainsi, abordons la question du pouvoir discrétionnaire tant des magistrats (juges et procureurs) et du président de la République. La loi  n’encadre pas la latitude donnée aux procureurs, ceci dans le cas d’espèce, ou qu’une enquête ne fusse offerte, alors qu’il était de notoriété publique que les actes posés par le présumé coupable étaient tout autant flagrants que condamnables. Le droit n’a plus la vocation d’apporter la justice pour tous. Dorénavant saucissonnée, la justice congolaise refond en quelques sortes le principe de l’égalité devant la loi. La loi qui est la volonté du peuple perd son prestige au profit de l’arbitraire. Le bon sens voulant, l’exécutif ne peut amnistier qu’à posteriori d’une condamnation du pouvoir judiciaire. Le pouvoir politique a visiblement des relais dans la machine judiciaire du Congo ou disant que l’appareil judiciaire fonctionne au gré des détenteurs de la puissance publique.

5)  La sociologie politique

Quelle  est la nature des relations entre le peuple et l’Etat ? Cette problématique s’articule autour  des rapports entre les citoyens et l’Etat. Si l’on s’en tient à l’idée que le peuple est le souverain primaire et que l’Etat avec toutes ses composantes reparties tour à tour au sein du pouvoir exécutif, législatif  et judiciaire  a pour mission  de défendre les citoyens et  d’organiser la vie économique et sociale. Les relations entre l’Etat et les citoyens seraient empreinte de convivialité et d’ascendance  au bénéfice du peuple tant il serait le donneur d’ordre.  Sous réserve que les lois ordinaires énoncent les principes qui régissent les relations entre l’Etat  et les citoyens. La Constitution a claquemuré la participation citoyenne à l’expression des plaintes et recours relatifs aux desiderata auprès du  médiateur de la République. Les devoirs des citoyens dans le cadre de la gouvernance et la gestion des affaires publiques sont réduits au droit de vote et à prétendre à une fonction élective. Les mandats confiés et obtenus, ne privent pas aux mandats d’un droit quelconque, et n’attribuent non plus aux élus tous les droits mandants. La représentativité n’incarne pas intégralement la démocratie. Au Congo ,  aucune loi n’organise une procédure quelconque de saisine des institutions par les citoyens .  C’est dire que les institutions de la République  priveraient les citoyens de leurs droits. La sociologie politique dans le contexte congolais est creuse, du moins du point de vue du droit. Mais la soif de la démocratie a conduit souvent à des actions non encadrées qui sont réprimées et parfois condamnées dans l’arbitraire.  Le pacte relatif aux droits civils et politiques dispose en son article 25 «Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l'article 2 et sans restrictions déraisonnables:

a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis;

b) De voter et d'être élu, au cours d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l'expression libre de la volonté des électeurs;

c) D'accéder, dans des conditions générales d'égalité, aux fonctions publiques de son pays. »

 C’est l’occasion de s’interroger sur les marges de manœuvres que le législateur a concédées tant aux défenseurs des droits humains qu’aux citoyens.  Les descentes parlementaires qui sont du reste, un compte rendu, mettent les citoyens dans une position plutôt passive, quand on sait que l’action est de mise pour un processus démocratique plutôt incertain. Nous ne saurons pas dire si les plaintes ainsi formulées par les mandants sont prises en compte. Les démarches citoyennes qui sont l’expression de l’exercice  tant des droits civils que politiques ne seraient pas prévues pas par la loi.  Toutefois, les citoyens n’ont pas la possibilité d’apporter leurs pierres pour construire la démocratie. La responsabilité des citoyens est en partie mise en cause. Les populations ont perdu foi en l’Etat et adoptent des comportements qui ne militent nullement pour des relations salvatrices pour le processus démocratique, autant dire que le peuple pêche par une mentalité rétrogrades. Cette opinion nous renvoie vers les efforts consentis par le gouvernement en faveur de l’éveil citoyen, qui se mesure par l’implication réelle des citoyens dans la gestion des affaires publiques en marge aussi bien de la représentation que de la délégation. Les cas avérés de la marginalisation du peuple sont notoires. Sans avoir la prétention de les épuiser , mieux de les cerner en totalité, on se fie à ceux qui sont d’un certain point de vue inquiétants ; la procédure d’adoption des lois qui est coincée entre l’exécutif et le législatif, échappe en fin de compte à l’œil vigilant du peuple, lequel assurerait le contrepoids nécessaire face à une classe politique qui se professionnalise et donc qui regarde de haut  tout à la fois l’intérêt général que la volonté de la majorité. La minorité prend le dessus sur la majorité. Les députés et les sénateurs détiennent des passe-droits. Les institutions octroient des privilèges à une minorité qui écrase la majorité. Devant ce contre-sens le sentiment de justice est quasi absent. Cette crise de confiance s’exporte tant au niveau de l’exécutif que du législatif.  L’administration n’étant pas épargnée.   Les rapports entre le peuple et l’Etat sont critiques. La justesse de la plainte d’un  citoyen, le doctorant Jean Pierre Elie vient à point nommé pour signifier que les mécanismes qui concourent à l’élaboration des lois ne sont pas exempts de reproches. La seule justice qui soit juste, est celle qui associe le peuple dans le processus d’adoption de la loi, tant il en fait les frais alors que les mandatés bénéficient des traitements de faveur.

6)  Le paradoxe congolais

Pourquoi après plus de deux décennies de démocratisation, la mayonnaise a-t-elle du mal à prendre ? On peut toutefois se hasarder à dire que les arbres ont fleuri et  les bourgeons ne sauraient plus tarder à venir. En attendant, il faut sortir des sentiers battus, des clichés qui rendent étriquée la lecture du processus au prisme d’un empirisme entaché parfois de subjectivité. Le Congo est bien sur une trajectoire qui pourrait à long terme déboucher sur du « démocratisme » et non sur la démocratie, rien que ça, un régime qui prône haut et fort « la démocratie » sans entretenir  l’ambition de l’instaurer. Cette thèse présente le peuple comme un objet et non un sujet. Pourrions-nous à ce stade dire que l’immobilisme entrave le processus démocratique au Congo serait dû uniquement de l’incivisme et au désir de l’élite politique de s’accaparer du pouvoir en dépit des aspirations du peuple ? C’est dire que l’environnement n’influe nullement  sur le processus qui aurait la prétention d’aller vers une nation démocratique. C’est ce que nous appelons par une démocratie de façade. Ces deux dernières décennies, le pouvoir n’a pas changé de main et les élections notamment les législatifs n’ont pas reflété les remous sociaux qui sont pourtant perceptibles à l’œil nu. Le peuple est-il vraiment resté constant malgré son exaspération ? Il y a bien de quoi s’interroger sur l’effet des élections dans le jeu démocratique congolais. Est-ce quelles ont pour objectif de légitimer le pouvoir des élus ou permettent-elles au souverain primaire de sanctionner voir de récompenser ceux des mandatés qui auraient répondu aux attentes du peuple ? Quand ça ne bouge pas, ça stagne ! Donc, il est bien difficile de se sentir dans une dynamique quelconque si les élections s’apparentaient à des formalités que l’on pourrait remplir avec toute la grossièreté du monde sans encourir les représailles du souverain primaire. Mais cependant, les jours s’égrènent et l’histoire du Congo ne s’écrit pas avec l’ancre des ambitions énoncées par la Constitution. La gestion de la chose publique est l’apanage d’une poignée d’individus qui ont investi l’échiquier politique et ne sont pas visiblement prêts à lâcher prise. Partant du fait que l’actuel régime a une longue expérience de la gestion de la chose publique, expérience qui n’est pas toutefois en phase tant avec les aspirations du peuple que les tendances du moment. Nous avons estimé que le discours du président français François Mittérand à la conférence de la Baule était le déclencheur du processus démocratique autour des années 90 avant d’être suspendu par la guerre civile 1997. Cette guerre était entretenue par Elf Congo. Les soubresauts de la démocratisation du Congo ne seraient donc pas uniquement à mettre à la charge de l’élite politique, laquelle éprouve des difficultés pour se reconvertir, mieux s’accommoder voir renoncer à la gestion des affaires publiques. A côté de cette classe politique revêche, il y a un peuple qui pêche avec l’incivisme. Ce n’est pas tout comme pesanteur, dans un contexte de mondialisation, les obstacles qui jonchent la voie menant vers la démocratie proviennent aussi de l’extérieur. La démocratie est le maître-mot, le régime, autoritaire a du mal à s’arrimer aux contraintes de celle-ci. Les guerres civiles qui se sont étalées au cours des années 1990 et 2000 ont été entretenues par une soif effrénée de libertés conséquence de plusieurs années de musellement et de tyrannie. Cet engouement détourné a servi d’appui à la montée d’un pouvoir autoritaire sur lequel se repose le régime actuel. L’ancienne puissance coloniale et les autres puissances impérialistes soufflent à travers divers canaux sur  les braises pour maintenir le pays sous le joug de la domination étrangère.

 7)  Les pratiques rétrogrades

L’expurgation de la démocratie n’est pas un gage de sa consolidation.  Tout au long de notre aperçu, nous avons fustigé tant les comportements que les attitudes des entrepreneurs politiques. L’approfondissement de cette thèse pourrait nous faire basculer dans une fixité, mieux dans l’arbitraire sans nous offrir la perspective de cerner les pratiques qui plombent le processus démocratique au Congo. Cependant, nous allons toutefois relever des faits qui ont été sujet à caution et peuvent  enfreindre le processus démocratique. Le changement de la constitution du 20 janvier 2002 est indéniablement de loin l’événement qui a causé le  branle-bas dans la conscience collective, s’il est un acte répréhensible à mettre au passif de la classe politique en général et du pouvoir en place en particulier, le peuple n’est pas exempt de reproches. La citoyenneté reste un défi à relever. A propos, les pesanteurs qui étouffent le processus, sont aussi du fait de la passivité des citoyens. L’abstention et le boycott observés pendant les différentes consultations ne renforcent non plus ledit processus. Ainsi les responsabilités sont partagées dans cet embarras. Les citoyens se complaisent dans des attitudes plutôt lâches. Les voix sont données moyennant un marchandage complexe pour les uns, et les autres ravalent les leurs, en attendant de prendre leur revanche sur un autre terrain qui reste toutefois à déterminer la rue ou dans les intrigues. Le sentiment d’avoir été roulé dans la farine ne s’estompe pas du jour au lendemain, il ne s’expie que par des sentiments de même nature qui ne sont ni légitimes ni conformes aux principes démocratiques. Les difficultés surmontées dans un contexte hors loi, notamment dans le cadre des dialogues, ont exhumé des défis qui renvoient à la problématique de l’Etat de droit. A titre illustratif, avant la promulgation de la Constitution du 06 novembre 2015, l’Etat a longtemps initié à la va-vite des dialogues qui ont accouché d’une souris. Les préoccupations qui ont suscité la tenue de ces différents dialogues n’ont jamais été prises en ligne de compte. Nous pouvons citer de façon ramassée, la révision du fichier électoral, le découpage électoral, la mise en place d’une commission électorale indépendante... Les conditions dans lesquelles, ces dialogues ont été organisés autant que les préoccupations qui ont valu à leurs convocations donnent matière à réflexion. Quelle est la force de loi que le peuple donnerait-il à un dialogue qui n’est nullement canalisé tant en amont qu’en aval ? Les recommandations de ces dialogues forment une montagne de frustration pour le plus grand nombre et constitue des passe-droits du pouvoir en place, c’est bien rétrograde au pire moche cette façon de faire…Cette pratique qui s’est répété au fur et à mesure que les dialogues s’y sont tenus, a discrédité la manœuvre. Un processus qui se veut « démocratique », ne va pas non sans préserver les principes qui soutiennent l’Etat de droit et observent les droits humains. Cet alignement de dialogues est dû à l’absence de lois qui les régissent et qui les entérinent en leur donnant force de loi. Le consensus ne s’est jamais dégagé, les points de désaccord sont mis en suspend avec la promesse que le prochain dialogue les épuise... Finalement, malgré le fil de dialogues, la situation est restée en l’état.  Le cycle interminable de dialogue laisse libre cours à toutes sortes d’infamies. La démocratisation au Congo aurait fait un bond en avant si l’alternance avait eu dans le cadre de la Constitution du 20 janvier 2002. Le doute est redevenu persistant  car les initiateurs  de cette Constitution ont dû se tailler une nouvelle constitution pour se faire peau neuve. Mais qu’est ce qu’il y a de vil dans tout ça ? De prime abord, le parallèle entre le règne d’un dirigeant et une Constitution qui n’aurait jamais été expérimentée par un autre régime, qui aurait  dépersonnalisé la constitution et la placer sur orbite. On peut dire le changement  a été précoce tant l’expérience a été abrégée. 

 8)  Le poids de la corruption

Le processus de démocratisation au Congo bute devant la corruption. La corruption que nous pouvons toutefois subdiviser en deux catégories à savoir la « grosse corruption » et la « petite corruption ». L’expression « grosse corruption » se passe de commentaires. En effet, elle concerne de gros bonnets avec des affaires de gros sous aux côtés des succursales des firmes multinationales. Par contre « la petite corruption » est celle qui pervertit les relations entre les usagers et les préposés de l’administration en partant de l’intrigue entre les automobilistes et les agents de la sécurité routière, en passant par les pots-de-vin dont l’enrichissement illicite des agents de l’Etat évoluant au sein des régies financières en est la preuve, jusqu’aux conséquences de l’asservissement des agents et hauts fonctionnaires . Le clientélisme a également sa part de responsabilité. Les fonctionnaires et la classe politique qui sont asservis, ont recours au clientélisme pour pérenniser les intérêts du clan ou du groupe. Le problème est de savoir comment ces méfaits emmitouflés dans le contexte congolais sous le vocable « antivaleur » avec la malicieuse intention  de dédouaner les auteurs d’actes répréhensibles de la rigueur de la loi étranglent-ils le processus de démocratisation ? Le fait d’apparenter le clientélisme, la corruption et le détournement des deniers publics aux problèmes qui relèveraient du domaine de  l’éthique est non seulement réducteur, mais également une preuve de l’impunité dont la classe politique fait montre. Elle tend à banaliser les crimes économiques. Avant d’évoquer les situations criardes observées aux niveaux des institutions, allons dans l’antichambre de celles-ci qui est constituée des formations politiques et dans une moindre mesure par la société. C’est un secret de polichinelle que les participations aux activités politiques à savoir meeting, descentes parlementaires et autres sont rétribuées à coup de billet de banque. Cela va sans dire que ses pratiques sont entretenues par ce que nous avons appelé la petite corruption. Les citoyens qui ont pris de mauvaises habitudes, celles qui consistent à louvoyer le service public ou à monnayer leur qualité de citoyen. Naturellement qu’un citoyen qui a recours à la corruption pour se tirer d’embarras, non pas exactement, qui se complaint dans la forfaiture et l’abjection, est réfractaire au processus démocratique. Les présumés coupables de la grosse corruption tirent l’épingle du jeu. Quoi de mieux qu’un peuple corrompu pour nourrir la corruption au plus haut niveau ? Le financement des partis politiques illustre à en un point douté cette évocation. Les directions politiques des partis sont gratifiées par des sommes folles et exorbitantes. Comment voulons-nous que les foyers du clientélisme favorisent la transparence, la justice et l’Etat de droit ? Les valeurs de la démocratie se heurtent à des pratiques qui s’enracinent à tous les niveaux. Les décrets d’application de la loi sur les partis politiques ne sont pas pris. Le principe de financement des partis politiques n’étant pas épuisé, la corruption ne peut être qu’entretenu. Quand les citoyens entretiennent le sentiment que tout peut s’acheter et même la rigueur de la loi, les acteurs qui concourent au processus d’adoption de la loi sont déchus. Les élus à tous les niveaux ne sont que l’ombre d’eux-mêmes. La crise de représentativité met à mal le processus démocratique, les élus ayant perdu la confiance du souverain primaire, le mécanisme flotte autant dire que la démocratisation est dans les airs. Si la petite corruption est spéculative, étant donné qu’elle peut  faire l’objet de plusieurs interprétations. La grosse corruption se repose sur des faits on ne peut plus concrets. Ce n’est nullement pour dire que les faits seraient à la portée du premier citoyen qui s’y intéresserait…L’expérience a montré qu’au Congo, les succursales des firmes multinationales sont les premiers partenaires économiques du pays. Nous faisons allusion tour à tour à Total et Eni, lesquelles succursales sont empêtrées dans les affaires de corruption. Le français Total qui a hérité tout autant l’actif que le passif d’Elf est en pole position dans les affaires de corruption qui compromettent les hautes autorités du Congo. Au fil des scandales, le géant français Total ne dément pas cette mauvaise presse. Bien au contraire, les faits corroborent l’emprise de Total sur les affaires de corruption  et/ ou de mauvaise gouvernance. Le coup de pouce de Total qui a permis au Congo de contourner les prescriptions du Fonds Monétaire International avec un montage financier qui a favorisé au Congo d’accéder à un prêt gagé tout en atteignant le point d’achèvement de l’initiative pays pauvre très endettés. Cette manœuvre a donné une longueur d’avance au régime et a compromis l’avenir du pays.  

III . Conclusion

  L’espérance portée par la vague de la démocratisation des années 90 s’était émoussée avec les guerres civiles de la même décennie. Le changement de la constitution du 20 janvier 2002 tout autant que la dissolution des institutions mises en place à la faveur de la constitution du 15 mars 1992 ont mis en déroute l’élan démocratique du peuple, tout en révélant l’instinct despotique d’une classe politique hostile au renouvellement donc encline à l’arbitraire. Les leviers de la démocratie s’y sont trouvés vicié. Fort cette corruption, les partis politiques se sont ployés sous l’emprise népotisme, s’expérimentant le clientélisme, ils expriment par voie de fait du mépris pour les principes démocratiques avant de fouler aux pieds les valeurs intrinsèques à la démocratie. La réélection de l’actuel président de la République sur fonds de changement de constitution motivé par un désir ardent de s’accrocher au pouvoir, a mis à rude épreuve le processus démocratique pourtant amorcé sous de bons auspices avec des élections crédibles. Par ailleurs, les faits qui ont concouru aux assertions, affirmations et déclarations, mieux à l’opinion qui s’est dégagée au fil de l’analyse, restent à valider par des entrevues avec les acteurs soit mis en cause, soit cités aussi bien de façon directe qu’indirecte, ce qui accorde le bénéfice du doute à une classe politique fustigée, le sursis à une société civile désavouée et la potence aux médias en disgrâce. Si les médias sont les parents pauvres et la société civile n’est pas moins corruptible tant les partis politiques sont les corrupteurs. C’est aussi cynique que ça ! Du moins en attendant que le voile soit levé. Parce qu’à la vérité, comment donner foi à l’analyse critique de la Constitution si les limites ou les faiblesses épinglées ne sont pas confrontées avec les thèses défendues par le Conseil constitutionnel ? Cette confrontation est valable pour tous les aspects abordés au cours de la réflexion. La recension permettra non seulement d’affiner le présent état des lieux, mais surtout de déceler les goulots d’étranglement inhérents au processus. Aussi, serait-il faire preuve de l’arbitraire que d’invectiver les partis politiques, de désapprouver la société civile et d’avoir un sentiment mitigé pour les médias. L’osmose des leviers est un fait, la décadence d’un levier ne saurait pas être reprochée à un autre levier quoique le rapport de forces soit souvent favorable à un levier notamment les partis politiques. Ce qui nous amène à formuler des recommandations spécifiques pour les partis politiques viviers des opérateurs politiques, la société civile réceptacle du processus démocratique et aux médias vecteur des opinions. C’est ainsi que ce travail descriptif ouvre la brèche d’un travail synthétique, lequel vise tout à la fois d’identifier les résiliences et de proposer des mesures correctives lesquelles ont l’ambition de mettre le processus encours sur orbite. La décision de promouvoir la démocratie et de défendre les droits humains nous invite à relever les acquis pour ne pas dire les points positifs d’un processus controversé. En réalité, quels sont les points qui garantissent la présence des traits de la démocratie dans le processus ledit ? Nul ne doute que nous citions les élections organisées presque de façon régulièrement, mais dont l’organisation, le déroulement, et même la proclamation des résultats rendent celui-ci excentrique. Une fois dépouillé de son essence, c'est-à-dire de la transparence et de l’équité, les élections sont comme vidées de leur substance. Aussi, sommes-nous nous retenus d’évoquer les élections comme tel puisque de l’avis général, elles restent à parfaire du moins dans la forme. Les violations des libertés fondamentales approuvées comme un pêché mignon requièrent une sensibilisation, laquelle mettrait au fait les populations qui ignorent leurs droits civils et en garde les autorités publiques qui en abusent… Sur le même chapitre, la corruption et la problématique de l’Etat de droit doivent être passées au peigne fin. Ainsi donc, le présent état des lieux propose des axes, lesquelles doivent être exploitées en vue de promouvoir la démocratie et l’Etat de droit. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  

 

      

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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