L’Église Notre-dame de l’Assomption d’Oyo : un cadeau empoissonné



« L’enfer est pavé de bonnes intentions », le proverbe tiré d’une phrase attribuée à saint-bernard de Clairvaux, est d’actualité en République du Congo. La réception et l’inauguration de l’Église catholique Notre-dame de l’Assomption d’Oyo ont causé tour à tour de l’émoi au sein de la communauté catholique du Congo, et ont laissé l’opinion nationale dans la confusion totale. Des interrogations, n’ont-elles pas fusé de partout sur ce geste pourtant salutaire à première vue. 


Dans quel contexte a-t-elle été construite ? Qui a fait le don et à quelle occasion ? Combien cet édifice de 800 places, qui devient la troisième plus grande église du Congo après Sainte-Anne de Brazzaville et Notre-dame de Pointe-Noire a-t-il coûté ? La ville d’Oyo regorgerait-elle autant de chrétiens pour se placer tout juste après les deux grandes villes du Congo ? Est-ce que les ressources propres de la paroisse Notre-dame de l’Assomption d’Oyo pourront-elles subvenir aux charges relatives à son entretien ? En somme, qu’est-ce que tout cela implique ? 

Nous allons tenter de répondre à toutes ces questions pour justifier notre opinion avant de dénoncer les complaisances de l’Église, mieux les excès de Monseigneur Victor Abagna Mossa, lequel en contentant le président de la République du Congo et sa famille a profané la liturgie de la cloche, renvoyant l'image d’une Eglise politisée et à la solde des oppresseurs face à un peuple meurtri qui ne sait plus à quel saint se vouer. 
L’Église catholique n’est plus un refuge, mais un tremplin pour des politiques en mal de popularité, qui ne s’empêchent plus de spéculer sur les défunts pour tirer profit du bénéfice de la compassion.

Dans quel contexte a-t-elle été construite ?

Le Congo est au bord de la faillite. L’Etat roule au ralenti. Tenez, les pensionnaires de la caisse de retraite des fonctionnaires perçoivent difficilement leurs pensions, les établissements à budget de transfert sont sous perfusion. Les bourses ne sont pas versées régulièrement. Le Congo croupit sous le poids d’une dette colossale. La crise de représentativité devient accrue; les élus sans exception aucune, perdent leur légitimité au fur des événements. Le don d’une église de grande capacité, dans une communauté urbaine en passe de devenir une ville par la seule volonté d’un homme. Lequel transforme une localité pour des raisons qui sont tout, sauf objectives. En effet, la transformation d’Oyo n’est aucunement la réponse d'un besoin exprimé par une population croissante donc le mode de vie nécessite une mutation en agglomération ; une population qui a une vocation rurale, subit des transformations qui désorganisent son mode de vie sans qu’elle en ait demandé. 
Une cérémonie décalée
L’inauguration de l’Église Notre-dame d’Assomption d’Oyo a été une grande messe, avec la participation d'augustes personnalités du Congo, lesquelles reviendront dans la chapelle, les rares fois que Denis Sassou Nguesso séjournera encore à Oyo. Les chrétiens qui devront au quotidien fréquenter la paroisse, n’ont pas pu être associés à cette fête, le protocole n’a pas pu leur trouver de la place. Ce n’était pas une affaire de foi, mais une activité politique, un show du gratin de la politique congolaise auquel le peuple de Dieu ne pouvait être convié, même si , c’est en leur nom que le clergé a reçu cette imposante chapelle qui inciterait à la révolte tant la situation devient intenable. 
Qui a fait le don et à quelle occasion ? 

L'Église catholique est en soi un pouvoir. Le nombre de ses fidèles et son implantation sur l’ensemble de l’étendue du territoire national fait d’elle un pôle d’influence avec des pouvoirs élargis. Les prises de position de l’Église à travers les évêques ont souvent rassuré la population et offusqué quelque peu le régime. On retiendra que l'entretien entre les évêques du Congo et le président de la République prélude au référendum de 2015 n’a jamais été rendu public. Toutefois, il est à relever que l’Église catholique était contre le changement de la Constitution du 20 janvier 2002 qui a permis au donateur de se maintenir au pouvoir. C’est bien le président Denis Sassou Nguesso à qui les évêques avaient déconseillé de changer la Constitution qui fait don à l’Église de sa troisième plus grande chapelle du pays. ça ne pouvait être anodin. La cérémonie d’inauguration s'est tenue en marge de la commémoration d’un événement privé qui appelait plutôt de la consternation. Les chrétiens d'Oyo ont reçu une belle chapelle qui sera rien d'autre une charge au lieu d'être un objet de fierté. 




Le prix de la traîtrise
Que des questions nous nous poserons sans avoir de réponses. On ne demande pas le prix d’un cadeau nous dira-t-on ! Mais un cadeau qui compromet ta réputation, n’est pas un cadeau comme les autres... S’il ne faut pas marchander la réputation contre quoique ce soit… L’Église qui vit au rythme des quêtes et autres cotisations du peuple de Dieu, ne pourrait pas à elle seule se doter d’une chapelle de cette ampleur et encore moins en prendre soin sans connaître des difficultés financières.Elle se tournera vers le donateur pour faire face aux dépenses inhérentes à son entretien , lequel utilisera probablement les ressources de l'Etat. C’est une chapelle hors de prix pour les finances d’une église catholique qui connaît la concurrence des églises évangéliques dont le marketing social a des effets positifs avérés. Au nom de la transparence qui est une valeur prônée par l’Eglise, recevoir un don de cette nature de la part d’un donateur qui n’est pas en odeur de sainteté avec l’orthodoxie financière, c’est plus ou moins une indélicatesse du clergé congolais, qui pourrait être accusé de complicité dans une affaire de blanchiment d’argent. Le président de la République devrait faire preuve de réserve. La fonction de président de la République est dédiée avant tout à servir le peuple, faire don et encore dans le cas d’espèce, un cadeau qui sort de l’ordinaire. Toutes proportions gardées, seuls les nantis sont à même d’offrir dans cet ordre de grandeur. Ce qui nous amène à voir dans la fonction de président de la République un ascenseur social qui a permis au président de tirer un profit personnel alors qu’il était sensé œuvrer pour l’intérêt général. Comment ne pas s’interroger quand un président dont les proches sont soupçonnés de biens mal acquis, de détournement de deniers publics offre une somptueuse église. C’est le besoin de transparence qui laisse transparaître un mécanisme translucide. 
Une personnalité au sommet de l’Etat ne peut pas s’adonner à de telles pratiques tant, ses ressources ne proviennent que du contribuable, sa longévité au pouvoir et ceci dans des conditions parfois douteuses plaide contre lui. On ne saurait pas lui accorder le bénéfice du doute, tant la situation socio-économique de son peuple est préoccupante. Il ne peut pas avoir le loisir d’offrir de façon ostentatoire alors que le pays est en train d’écrire la page la plus sombre de son histoire économique. L’Église qui moralise la société ne peut ignorer les risques que tel geste pourrait comporter. En substance, on dira que le don d'une chapelle ne rencontre pas l'approbation d'un peuple privé d'un système de santé d'une bonne qualité.


La ville d’Oyo regorgerait-elle autant de chrétiens pour se placer tout juste après les deux grandes villes du Congo ? 

Est-ce que la capacité de cette chapelle répond-t-elle à un besoin de l’Église ou aux ambitions d’un homme ? Bien de chrétiens à travers le pays, prient dans des conditions exécrables. Pourquoi ne pas améliorer les conditions de culte dans des paroisses qui abondent de fidèles ? Autant dire que l’intention n’était pas d’accompagner l’Église dans son expansion, mais plutôt de doter la ville d’Oyo d’un lieu de culte qui cadre avec les ambitions d’un homme. L’Église fait les frais de cette ambition et se rend complice des dérives autoritaires d'un président de la République qui modernise une localité juste parce qu'il a des affinités avec. Pourquoi une localité qui n'a pas une activité économique conséquente peut-elle être développée à un rythme effréné si ce n'est au nom de l'arbitraire?   
Est-ce que les ressources propres de la paroisse Notre-dame de l’Assomption d’Oyo pourront-elles subvenir à son entretien ? 
Les ressources qui proviendront des quêtes et autres collectes sont bien minces pour garantir l’entretien de cette église dont le coût reste un mystère. Si l’on peut se perdre en conjectures sur le coût, on peut même dire sans peur de se tromper que les ressources de l’Eglise ne peuvent à elles seules entretenir cette église et donc elle est exposée à se rabattre auprès du donateur qui peinent à satisfaire les besoins du peuple alors que le pays est potentiellement riche. 

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